Au centre, trône un pot en terre cuite, signé Ravel, ultime présent de son fils défunt. Altéré par la crasse tenace et les dépôts calcaires, héritage d’arrosages répétés, le pot repose contre le cadre décrépit d’une fenêtre en bois, écaillé de larmes blanches.
Au cœur de cette poterie, une fleur agonise, dépourvue d’élan et de souffle. Serait-ce une rose ? C’est le seul panorama qui lui reste, à elle qui aimait tant se perdre dans les méandres de la nature, aujourd'hui réduite à une captivité perpétuelle derrière des carreaux ternis et une grille rouillée.
C’est dans les livres de sa modeste bibliothèque qu’elle façonne, entre les lignes, des fragments de vers, à rebours et à l’endroit, pour se divertir.
De ce vide oppressant, parviendra-t-elle à s’extirper, à fuir l’air vicié d’un temps qui s’égrène sans remous ?
Lentement, pour combler l’ennui, des éclats pâles ou vifs assaillent ou raniment son âme. Ses souvenirs resurgissent de son jardin d’enfance, où mille fleurs s’épanouissaient en harmonie chaque printemps, s’endormant chaque automne sans une once de nostalgie. Parfois, la neige drapait le sol d’un voile ouaté translucide, sous lequel elle rêvait encore de contempler la vie.
Ces lueurs fugaces hantent chaque jour davantage ses yeux gris, dont la couleur s’est depuis longtemps délavée. Seule, penchée à la fenêtre, elle fixe obstinément ce pot de fleurs abritant une rose blanche.
Ce vase, témoin de ses dernières années, a observé cette existence sombrer comme un poisson échoué sur une plage, se desséchant au soleil après une tempête, sans qu’aucune âme ne le remette à l’eau. Si elle hurlait son ennui dans le noir, personne ne l’entendrait, le monde est devenu sourd. Seule, la rose blanche demeure fidèle.
Il est vingt heures ce soir, les cloches résonnent lugubrement, le soleil s'est éclipsé sur la coupelle et le pot en terre cuite. La rose blanche se replie, laissant couler ses dernières gouttes de temps sur le visage impassible de Rosa, et puis la dame du balcon à la rose blanche disparaît, rejoignant les traces de son fils.
Elle repose désormais sous son pot Ravel, posé sur la coupelle en porcelaine, surmonté de cette fameuse rose blanche en plastique...
En vivant, ne nous laissons pas consumer par la mort !
émouvante histoire , j'ai aimé te lire
RépondreSupprimerAgnès
Très émue je suis....Elevée par ma grand mère qui adorait les roses blanches et les cultivait dans son jardinet...tu as remué des souvenirs anciens mais toujours présents...un texte que j'ai lu avec mon âme...Alex
RépondreSupprimerTendrement beau et doux à la fois ..envie de lire et relire
RépondreSupprimerMarie-rose
Agnès merci pour ton message
RépondreSupprimerAlphonse BLAISE. ... un texte que j'ai lu avec mon âme...Alex ... Bon je vois que je te réveille loin sans sirène et je ne suis pas non plus marin pompier
Merci d'avoir lu ce passage.
James Px.
Si émouvant et si tragique... La rose blanche, dernière compagne de Rosa... Qui continue a être auprès d'elle jusque dans l'au-delà...
RépondreSupprimerUne émotion très vive à te lire ! La rose blanche a tant de signification pour moi...
Sisi
Un texte magnifiquement bien arboré...
RépondreSupprimerAvec à chaque fois, une question que je me pose à te lire...
Où trouves tu cette imagination.....?
Bien que ton style reste ...
Ton empreinte réussit toujours à trouver un paysage,
un passage novice et d'émotions, et d'images...
Merci pour ce partage pas des moindres...
Bise à toi
Amitié
Lil"
décrépitude.... solitude.... ainsi va la vie... une vie qui se résume à un univers bien étroit.... triste histoire bien ménée dont la fin nous surprend et nous invite à la réflexion
RépondreSupprimerNano
Merci à Marie-line toujours aussi discrète
RépondreSupprimernano ... la fin nous surprend et nous invite à la réflexion
Oui ben ici, il regarde leur nombril aussi, comme ailleurs, la moyenne est préservée
Lilania ... Où trouves-tu cette imagination Dans la vie il suffit de regarder, d'écouter etc...
Lilania... Où trouves-tu cette imagination Dans la vie il suffit de regarder, d'écouter etc...
RépondreSupprimerHum... d'accord, mais combien écoutent et regardent et ne sauraient pas écrire avec autant d'imagination? et de plus, en si peu de temps....
Bref, bref..........ok, tu écoutes et tu regardes...
Je tenterai de l'faire davantage!
Bises
Lil"
Magnifique. Un texte d'où se dégage une leçon de vie et qui nous fait profiter de chaque instant, aussi simple soit-il... Un peu comme celui-ci.
RépondreSupprimerMerci du partage et de tout l'émotion auquel j'ai eu droit en te lisant précédemment.
Katherine
Merci pour les passagers de la rose en plastique et à
RépondreSupprimerLilania ... C'est une histoire de temps d'âge d'appréciation ou bien j'ai du talent
x-BrokenHeart-x ... Le pseudo est imagé, mais il y a encore deux X un en amont un autre en aval donc il y a de l'espoir au prochain carrefour peu importe la direction prise
Aurai tu peur de la mort , les rides du temps nous avalent, très cher James et le pire c'est de vieillir seul, sans bagages passés ou à venir, j'y ai vu un peu des "Des volets bleus" très beau texte ...
RépondreSupprimerMais si tu as du talent
Sélénaé Amitiés
Sélénaé La Louve ... Aurai tu peur de la mort ... le pire c'est de vieillir seul, sans bagages passés ou à venir ....
RépondreSupprimerLa mort ne me fait pas peur c'est comment je vais mourir qui me préoccupe !
Aujourd'hui on trouve de très jolies valises en carton mâché "bio" confectionnées par de jeunes chinois pas très cher deux euros sinon tu as la version Louis Vuiton à 850 euros mâchée par des orphelins vietnamiens ou autres orphelins selon le goût et la couleur de la lave ou du séisme ! C'est ce que l'on appelle le commerce équitable ! Au lieu de l'en-culer à sec tu mets de l'huile de palme et tout passe !
Bref ... Et les vieux alors là on s'en fout ... Qu'ils crèvent car ils bouffent le fric de nos improbables retraites !
Voilà la réalité ... Certes on ne voit que les belles images et on entend que les belles paroles !
Entre les démagogues, les politiques, les terroristes, les religieux, les capitalistes la faim ne fait que commencer !
Donc il faut AGIR aujourd'hui pour ne pas mourir seul les pieds dans la merde demain
C'est moins poétique que la rose blanche mais le fond de ma pensée est le même
Au fur et à mesure de cette lecture, l'émotion m'a gagnée. Superbe texte, douloureux et triste mais que j'ai beaucoup aimé. L'on y découvre une grande tendresse et un grand respect pour cette vieille dame à la rose blanche.
RépondreSupprimerMerci à toi James Px,
Blanche
J'ai pris le temps de relire ton texte de plus près et je l'ai trouvé moi aussi très émouvant. Combien sont, comme elle, à n'attendre que le jour de la délivrance?
RépondreSupprimerbravo!
Amitiés
Stéphane
J'ai aimé. beaucoup aimé autant pour la forme que pour le fond.
RépondreSupprimerPour la forme parce que les descriptions de votre écrit ont beaucoup de finesse, de précision et de profondeur: il semble presque, á la lecture, voir se
dérouler un film consacrée á cette rose.
Pour le fond parce qu'une lecture attentive permet de déceler autant l'automne du destin d'une rose que celui de la vie en général.
Cette rose abandonnée me fait penser, entre autres, á l'abandon de beaucoup de personnes âgées en maisons de retraite.
La rouille prend ici l'image du vieillissement, des rides inexorables.
Bravo pour cette émouvante nouvelle !
Harpelise
Ho.
RépondreSupprimerSilence...
Clari
Je ne m'attendais pas à la chute.
RépondreSupprimerSilence, parce les derniers vers l'invitent...
Clari
Le silence est sournois et trop de silence rend sourd ...
RépondreSupprimerMerci Clari
Somptueuse description et ... chute inattendue, c'est le cas de le dire!
RépondreSupprimerPritos
Un regard mélancolique sur une vieille dame qui vit dans la solitude et rien ne peut la raviver... La poésie peut-être , mais elle aussi a besoin au moins d'un lecteur...
RépondreSupprimerMerci pour cette prose delicate, un bon moment de lecture au final dramatique...
Galatea
ton texte m'a ému du début à la fin...je ne peux rien dire d'autre
RépondreSupprimerOmbre
Je me dis qu'un de ces jours, peut-être prochain, je serai...
RépondreSupprimerNon secoue toi, s'il te plait, j'ai besoin de gaîté
bises et joyeux noël
Jouvencelle.